Une journée monotone, se passait. Les feuilles tombaient, se succédant toutes. Assise derrière le comptoir de la pâtisserie, j'était en train de téléphoner à mon frère. « Mais oui tout va bien, je te le promets. » lui dis-je en croquant dans une mille feuille, fraîchement préparé. Enlevant la miette qui venait de tomber sur le coin de ma lèvre, je leva la tête et vis une cliente. « Je te laisse, j'ai une cliente. » dis-je en raccrochant. Je rangea mon téléphone dans la poche qui était au niveau de mon genou, avant de me lever, comme je le faisais à chaque fois que je m'occupais d'un client. « Bonjour, mademoiselle je peux t'aider ? » lui demandais-je en souriant, du mieux que je pouvais le faire. « Un croissant, s'il vous plaît. » me dit-elle me tendant l'argent requis pour s'en acheter un. Avec la pince en métal, je pris un sachet et y fourra un croissant, y ajoutant deux ou trois bonbons dedans. Sur le registre des achats, j'y nota un croissant. « Voilà pour toi ma belle, au plaisir de te revoir ici ! » dis-je avant qu'elle ne s'en aille. Je tomba assise, meurtrie sur le fauteuil derrière moi. Mon regard vagabondant dans le vide, je serra les machoirs. Les larmes commençaient à perler dans mes yeux, m'offrant une vue troublée. D'un geste de la main, je les chassa. Ce fut juste à temps, car un homme brun entra. Je me leva, n'offrant malheureusement pas de sourire au client, et le regarda. « Bonjour, que puis-je faire pour vous ? » demandais-je en dodelinant de la tête. Tristesse, vide, j'était vidée de tout. Ma mémoire, de sentiments... Je n'était plus que de glace, n'attendant qu'à être brisée. L'amertume, m'envahissait, me dévorait. Mollement assise sur le fauteuil noir en cuir, mes mains se tripotaient toutes seules, les mâchoires serrées, j'attendais la mort. Pourquoi ? Je n'avais selon moi, plus grand chose à faire ici, dans ce monde. Peut-être serais-je mieux, peut-être seriez vous mieux si je n'étais pas ici, mais aux côtés des morts ; au côté de ma mère.
Le temps sur New York passait de l’automne au début de l’hiver, l’air était plus que frais et ce n’était pas avec petite veste en cuir que j’allais me réchauffer, mais peu importe, le style avait tout. J’allumais une clope attendant que mon portier m’apporte ma voiture, une magnifique porche 911 noire qui avait appartenu à mon père, Hank. J’adorais cette bagnole, elle était classe, elle montait au seul frottement de mon pied sur l’accélérateur, le pied total. Je n’avais pas besoin du dernier modèle de voiture à la mode, moi, ce que je voulais, une voiture qui est du caractère et du vécu, comme moi. Je tirais sur la tige de nicotine, me laissant envahir par le bien-être qu’elle me procurait. Le bruit du moteur me parvient et je fis le tour de la voiture lorsqu’elle fut arrêtée devant moi. « Merci, Al’ ! » Je grimpais sur le siège conducteur, poussant le bouton d’un doigt, l’autre étant occupé avec ma cigarette. Mon clignotant fut à peine mis que je m’engageais à travers la route, devant me rendre vers Midtown pour aller chercher un colis arrivant du Japon. Des nouveaux objectifs que j’avais achetés avant qu’ils ne sortent sur le marché. Je voulais toujours être à la pointe de mon job et j’y travaillais avec de beaux billets pour ça. Le passage par un petit revendeur et le colis chez un commerçant, c’était pour passer plus discrètement les frontières, car je risquais gros en faisant ce petit commerce entre le Japon et les États-Unis. Le périphérique était dense, mais pas bouchonné, je zigzaguais entre les voitures, jetant ma clope au large avant de mettre mon clignotant avant le pont de Brooklyn pour m’enfoncer dans les méandres des rues perpendiculaires de l’île de Manhattan. Arrivé vers la petite pâtisserie où je n’avais jamais mis les pieds, je trouvais un parking sous terrain et je m’y engageais. Une fois ma voiture garée, je remontais le col de ma veste, les mains dans les poches, je pris les escaliers jusqu’à la surface. La petite boutique ne payait pas de mine, d’ailleurs, je ne l’aurais pas vue si mon GPS ne me l’avait pas signalé. Je laissais sortir la personne, retenant la porte avec un sourire avant d’entrer à mon tour. La petite vendeuse semblait lassée d’une certaine manière et je ne prêtais pas plus attention à son état d’esprit. « Bonjour, je viens chercher le colis, pour M. Cummings » Elle prononça un oui, sur un ton monocorde avant de disparaitre dans l’arrière-boutique et de revenir avec un carton qui me paraissait petit pour ce que j’avais commandé. Elle me le fit passer par-dessus la vitrine et je regardais les tampons dessus. Lorsque je vis le nom de la boutique, il était évident que ce n’était pas pour moi. J’interpellais donc la demoiselle. « Pardon, Mademoiselle ? Mais je ne pense pas que ce colis soit pour moi…je n’ai pas commandé, chez…luxure sensation… » Elle rougit et je souris à mon tour. « Enfin, je ne pense pas avoir commandé des sextoys…Je ne suis pas encore en manque à ce point là… » J'avais envie de rire, mais je ne savais pas si je devais ou pas, au vu du visage un peu fermé de la jeune vendeuse.
Tendant le colis au brun qui était derrière la vitrine, j'était épuisée et avait hâte de rentrer chez moi, mais pour cela il me fallait terminer ma journée ainsi que me taper une heure - trois quart d'heures pour rentrer chez moi. Et sachant que je restais un peu plus longtemps le soir, pour ranger et nettoyer la pâtisserie, je ne voulais que m'écrouler dans mon canapé en rentrant chez moi. Le jeune homme devant moi me sortie de mes pensées. « Pardon, Mademoiselle ? Mais je ne pense pas que ce colis soit pour moi…je n’ai pas commandé, chez…luxure sensation… » me dit-il. Je rougis un peu, avant de me pencher sur l'écran de mon ordinateur « M. Cummings vous dites ? » dis-je en pianotant sur le clavier de mon ordinateur, cherchant s'il y avait une autre commande. « C'est tout ce que j'ai reçu à ce nom, aujourd'hui. » lui dis-je en le regardant et souriant peu. « Enfin, je ne pense pas avoir commandé des sextoys…Je ne suis pas encore en manque à ce point là… » j'échappa un petit rire, devant la situation qui s'avérait être très gênante. Il était assez grand, avec des yeux d'un gris étrange, et surtout plutôt pas mal. Je me mordis la lèvre inférieure avec mes deux dents du haut, en tirant sur les manches de mon pull qui avait laissé paraître les quatre premières traces de mutilation sur mon bras, qui n'était pas très discrète, ce qui me laissait douteuse qu'il ne l'ai pas vu. Faisant l'air de rien, je remis ma mèche de cheveux qui commençait à s'imposer à mon œil. « Si... Ce n'est pas trop indiscret, qu'aviez vous commandez ? » dis-je car il était bien marqué "sextoys" sur mon fichier de retrait de colis. Page d'ailleurs assez vide, étant donné que les clients venaient plus - encore heureux d'ailleurs - pour les gâteaux, et non pas pour les colis. « Oh, et appart ça vous souhaitez acheter quelque chose à manger ou à boire ? » même dans les situations de ce genre, j'essayait tout de même de gagner un peu de sous.
Et bien, j’avais envie de lui répondre qu’il devait y avoir un autre M. Cummings sur New York, et que nos colis s’étaient échangés, sinon, je ne saisissais pas le gage de mon revendeur. Elle rit et je peux enfin apercevoir ses dents et presque un peu de bonne humeur dans ce visage qui semblait si taciturne. Avouez que la situation était plus que cocasse, des sextoys à la place de mon matériel de photos. Cette petite vendeuse était adorable, un peu timide ou coincée, mais assez gêné pour attirer mon attention sur son visage de porcelaine. « Si... Ce n'est pas trop indiscret, qu'aviez-vous, commandez ? » Je caressais ma chevelure ébène, alors qu’elle me demandait si je voulais acheter quelque chose, avant de lui répondre en m’approchant du comptoir, comme si ce que j’allais lui dire relevait de la confidentialité absolue. « Et bien, pour tout avouer…Mais jurez que vous ne le répéterez pas… » Je regardais derrière moi, mais la boutique était vide. Mon visage se tourna de nouveau vers la petite brune et je lui glissais à voix basse. « De la drogue tout droit arrivée d’Argentine…je suis un dealer de drogue… » J’adorais voir la réaction des gens face à tout ce que je pouvais dire, et là en l’occurrence, une grosse connerie. Ses yeux s’arrondirent et je ne pus retenir mon sourire malicieux. Je reculais aussi vite que je m’étais approché pour reprendre ma place comme un client normal. « Non, je plaisante. Cela devait être du matériel de photographie. Mais je pense qu’on a dû échanger quelque chose à la douane. Je me renseignerais…Je ne voudrais pas priver un autre M. Cummings de ses…. » Mes sourcils se redressèrent, voulant me montrer amusant « … Amusements sexuels… » Elle sourit de nouveau et j’en étais content. Une fille est tellement plus sympathique, lorsqu’elle n’a pas une tête de 6 pieds de long. Après tout, la vie était déjà assez compliquée pour tout le monde, pour qu’en plus on se retrouve avec les problèmes des personnes qu’on ne croiserait qu’une fois dans sa vie. « Et pour dire que je ne me suis pas déplacé pour rien, je prendrais bien l’un de ces pâtisseries…attendez, comment, ça s’appelle…Macarons vous avez ? » Ce n’est pas que j’avais une grande faim pour le moment, mais j’adorais les macarons et en particulier le ravissement qu’il procurait à mon palais. J’avais déjà goûté à ça chez mon père biologique, Hank. Il avait commandé les meilleurs chez un pâtissier français et je devais bien avouer que ces petites friandises n’avaient pas fait trois jours dans mon réfrigérateur. La jeune femme me guida jusqu’à l’étalage où elle en vendait et me demanda quel parfum, je souhaitais. « Qu’est ce que vous me conseillez, j’adore tout, alors je ne serais pas bien difficile… »
Mes mains se posèrent sur le comptoir de la boutique, et avec un peu de peine je me leva. En prenant mon carnet de notes, je l'ouvris à la page des ventes de la pâtisserie, en somme tout ce que je pouvais vendre ici. Il me demanda alors si j'avais des macarons, et tout en me dirigeant vers l'étalage complet de ces derniers, il me demanda quelques "conseils" si je pouvais appeler cela comme ça. « Alors, tout cela dépendra de vos goûts, mais de mon avis les meilleurs reste ceux aux chocolat, et également à la framboise. Sinon, je peux vous proposer beaucoup de choix, qui serait beaucoup trop long pour que je vous le dise, alors je vous conseille de jetez un coup d’œil là-dessus. » lui dis-je en lui tendant mon carnet, qui au fil des années s'épaississait, un peu trop vite selon moi. Mais je m'en fichais pas mal, car à ce que j'en savais les clients aimaient la nouveauté, moi aussi d'ailleurs. Je retourna prendre mon mille-feuille, dont il ne restait plus grand chose, et croqua dedans, afin qu'il n'en reste plus rien. En partant dans l'arrière boutique pour me laver les mains, je pris le temps de regarder mon interlocuteur. Grand, brun, musclé avec des yeux d'un couleur qui me fascinait. Cette couleur, restait sans doute dans mes préférées. Avec le orange et le vert. Le orange crépusculaire, que je regardais chaque soir. Et le vert que je retrouvait dans les feuilles des arbres. En me séchant les mains, je repensa à quelque chose. Mais je ne savais pas quoi, mon enfance. Une enfance pourtant des plus détestable... Même si je pouvais avoir beaucoup de chose, une année entière de ma vie m'avait été ôtée, prise. Et je devais faire face à tout ça ?
one more time.