Les histoires à conter ne sont jamais celles que l'ont souhaiterait. Des passages enfuis au fond de l'esprit, des anecdotes ayant perdu de leur sens à mesure du temps et, bien que sa vie n'est pas été de celles que l'ont ne souhaite à personne, Yann ne recommanderait pas pour autant de vivre la même.
Ainsi, vous pourriez très bien le croiser un jour, lui évoquer son passé et le voir détourner les mots que vous le lui aurez adressé. Il ne vous parlera que très rarement d'autre chose que de ce qu'il fait actuellement ou de sa soeur avec laquelle il vit. Le strict minimum en réalité.

Ainsi, si vous n'êtes pas de ceux qui lui sont proches, vous ignorerez tout de lui. En effet, vous ne saurez pas que sa vie a déviée à l'instant même où sa sœur est née. C'était un jour pluvieux, le vingt six septembre 1989 plus précisément et, tandis que les deux enfants vivaient encore accolés, leur père attendant de pouvoir tenir dans ses bras ce fils tant désiré, le futur héritier de la famille, la situation en fut tout autre. Ce fut sa sœur la première, l'aînée, celle qui possédera une grande fortune au détriment de son jeune frère. C'est ainsi que sa vie débuta, le jeune garçon braillant en ignorant qu'il était né du mauvais pied.


Son enfance, il l'a vécu toujours auprès de sa sœur. Des inséparables ces deux-là comme les gens s'amusaient à le dire. Ils se protégeaient l'un l'autre, le petit garçon veillant à ce que le sourire de sa sœur ne s'éteigne que le moins possible. C'est ainsi que, très tôt déjà, la haine naquit en lui. Une haine tournée vers son père qui, il le voyait bien, enfonçait toujours sa sœur et la rendait malheureuse. Il lui en voulait d'être ainsi avec elle, de n'avoir à son égard que du mépris.
Petit à petit il apprit à ne compter que sur sa jeune sœur et lui-même. Il ne trouvait plus rien de bon à tirer du reste de sa famille dont le comportement le dégoûtait chaque jour un peu plus.

Ils passèrent ainsi leur temps ensemble, jouant et riant comme deux enfants insouciants. Ils ne se rendaient compte de rien, pas même du danger qu'ils leurs arrivaient de courir, du moins, jusqu'au jour où le jeu dérapa, prenant ainsi une ampleur qu'aucun d'eux n'avaient prédis.
Il lui avait lancé un vulgaire défi, un pari que n'importe quel enfant aurait trouvé amusant, celui de marcher sur la glace. Elle n'était pas bien rassurée à l'idée de le faire mais Yann avait insisté, lui contant les multiples blessures qu'il avait eut en relevant ses défis à elle. Il voulait la pousser à surpasser ses limites et s'amusait de son air apeurée, persuadé qu'elle ne risquait rien. S'il avait su que sous son poids la glace se serait brisée, manquant de tuer la jeune fille, il l'aurait retenu avant qu'elle ne fasse le moindre pas. Terrifié et ne sachant comment agir, ce fut leur nourrice qui sauva la petite. Se précipitant aussitôt vers elle, il sentit que quelque chose avait changé. Il avait manqué de la perdre et en lui, quelque chose c'était réveillé. Ils n'étaient que deux enfants, deux jumeaux dont le lien était indescriptible, ce qui les unissait était plus fort que tout mais, quelque chose d'encore plus fort venait de naître brutalement en lui sans qu'il ne sache de quoi il s'agissait.


Le temps s'écoulant doucement, ils durent changer, comprendre que la vie n'était pas ce qu'ils en avait toujours pensé. Pourtant auparavant assidu au cours, le jeune homme s'en détacha en grandissant. Il laissait les études à sa sœur, ne travaillant que pour réussir à passer les différentes classes et ainsi ne pas subir les remontrances de son père. Ce dernier aurait aimé le voir à la tête de l'entreprise familiale en tant que magnat de l'économie mais, il ignorait tout ce que ce dernier lui disait. Au fil du temps il avait apprit à prendre sur lui, à l'ignorer comme s'il n'était désormais que le naufrage du passé. De plus, l'économie ne l'intéressait guère et il ne se gênait pas pour le lui faire comprendre au travers de ces notes dans ce domaine là.

Les rencontres qu'il a fait à cet époque, il ne pourrait pas dire si elles étaient bonnes ou mauvaises mais, elle lui permettait d'avancer, de combler ce vide qui se formait en lui. Il n'était donc pas rare de le retrouver au bras d'une jeune femme qui lui était méconnu le matin même avant de rentrer chez lui le soir comme si de rien n'était. Il n'éprouvait rien pour ces filles là si ce n'était une légère attirance physique. Aucune ne faisait battre son cœur, ne faisait naitre en lui cette chaleur qui se propageait dans tout son corps comme lorsqu'il était avec sa sœur. Il ne voulait pas chercher à comprendre ce qu'il se passait avec elle, refusait de mettre un mot sur ce qu'il éprouvait. La situation n'était pas véritablement tendue entre eux mais elle devenait étrange. Il cherchait à la fois sa présence et son absence, ignorant ce qui le poussait à agir ainsi.


Il l'avait perdu. Il se sentait comme seul au monde. Ils le lui avait arraché la seule qui comptait véritablement pour lui, celle qui le maintenait la tête encore de l'eau. Il avait besoin de Roxanne, il avait besoin de sentir qu'elle était là pour lui, qu'elle ne le quitterait jamais. C'est ainsi que les recherches avaient commencé, par cette nécessité dévorante de la voir. Il ne pouvait vivre sans elle c'était désormais un fait avéré.

Il partit à sa recherche, ne prenant même plus la peine de se rendre en cours. Il avait besoin de la retrouver, de savoir comment elle allait. Chaque soir en rentrant, qu'il soit dix huit heures ou bien quatre heures du matin, il s'arrêtait à ce même bar sur l'avenue. Il n'y restait jamais bien longtemps, juste assez pour boire un verre et regarder les gens qui l'entouraient.
C'est ici qu'il fit la rencontre d'une jeune fille hors norme. Elle avait quelque chose en elle qui imposait le respect et vous forcez à la suivre du regard. Elle dégageait quelque chose de différents de toutes celles qu'il avait connu auparavant. Au fil du temps, il apprit à la connaître et finirent par se lier d'amitié. Une amitié forte et sans sentiment autre. Ils pouvaient compter l'un sur l'autre, que ce soit pour régler des problèmes ou simplement coucher ensemble. Elle l'aidait à surmonter ses longs mois d'absences et savait quasiment tout ce qu'il y avait à savoir. La seule chose qu'il s'évertuait à cacher, c'était cet attachement qu'il portait à Roxanne, cette chaleur qui se propageait dans tout son être à chaque fois qu'il la voyait.

Une année entière s'écoula ainsi. Les habitudes avaient finit par s'installer mais jamais il n'avait cessé de la chercher, abandonnant complètement le peu de cours auxquels ils se rendaient encore. C'est ainsi que ses parents capitulèrent, en le faisant promettre de reprendre les études s'il l'envoyait à l'endroit où elle se trouvait. Il n'avait pas insisté plus longtemps, bien que sachant pertinemment qu'il ne ferait rien de tout ça.

La serrer dans ses bras dès qu'il vit était comme une évidence pour lui. Il ne se souciait de rien d'autre, profitant de cet proximité à laquelle il n'avait pas eu droit depuis bien longtemps. En reculant d'un pas il la contempla. Tous ses sens furent aussitôt en éveils. Elle avait bien changé, elle était devenue une femme. Elle était de celle qui en faisait tomber plus d'un. Il glissa alors la paume de sa main sur sa joue, la laissant peut-être trop longtemps pour un simple geste amical mais, il venait de réaliser.
Il avait couru depuis bien trop longtemps derrière un vide qu'il essayait de combler, un sentiment qu'il lui était incapable de nommer : L'amour. Ce n'était pas simplement un lien familial qui le unissait, ce n'était pas qu'une simple attirance physique qu'il éprouvait à son égard. Non, c'était bien plus fort que tout ce qu'il avait connu jusque là et, mettre aujourd'hui un nom sur cela accentuait un peu plus ce qu'il avait longtemps ignoré.
Pourtant, malgré ce bien-être qui l'envahi, cet apaisement qui ne dura qu'un instant, il sut que cela serait son fardeau, celui qu'il devait toujours cacher. Son visage c'était durci à cet instant. Plus rien ne devait transparaître. Personne ne devait le savoir. C'est ainsi que le changement devait s'effectuer.